Lundi 5 septembre
Premiers glaçons aperçus à une dizaine de nautiques à l’est de Barrow (hier, le 04/09/16) ! Nous n’en avions pas vus depuis notre descente dans le Peel Sound. Une petite famille de sculptures englacées dérivant par-ci par-là mais rien de quoi se provoquer une crise cardiaque ; nous avons dévié de notre route une fois seulement pour les parer. Dehors, le vent, qui a enfin décidé de gonfler les voiles, gifle le peu de chair qu’on ose exposer au climat rugueux ; il pique les yeux, provoquant des larmes incontrôlables. Le masque de ski sera de sortie. Point Barrow, le dernier point de passage mythique et déterminant pour l’expédition Manevaï avant Bering, sera franchi à 18h08, sous GV et Génois. Quelle classe ! Nous sirotons notre apéro avec allégresse malgré l’appréhension commune de retrouver des glaçons dans la nuit : il fait noir vers 23h30 ces jours-ci et nous avons des chances d’en voir encore jusqu’au Icy Cape, soit à 120 nautiques de Barrow. Tel un bon présage, l’équipage assiste à un coucher de soleil absolument somptueux illuminant le ciel de couleurs orangées et rougeâtres (les voiles aussi) et dessine des filaments dorés sur l’horizon. Les voiles dansent au bon plein avec les 11 nœuds qui nous tractent, sur une mer plate.
Cela mérite un ‘tit rhum vénézuélien pour célébrer ce moment ! Début de quart à 22h et pouf ! En voici en voilà de nouveau qui se baladent dans nos eaux. Il faudra commencer la veille dehors avec 2°C à peine … Les glaçons se dissipent au même rythme que l’éclairage du soleil. Le vent forcit et se stabilise autour de 13 nœuds (toujours NNW) et continuera à forcir jusqu’à 25-30 nœuds pendant la nuit. On trace comme une fusée à plus de 7 nœuds sur le fond. Manevaï passe Point Franklin vers 02h38 et continue à faire bonne route jusqu’au petit matin. Philippe n’a pas eu la même chance que nous au nord de « Icy Cape » : « guess who’s back, back again … » les glaçooooons !! Quelques uns pour commencer puis ces derniers se densifient jusqu’au 6/10ème et mènent vers une bande blanche au loin sur l’horizon, infranchissable (d’au moins 8 nautiques de large d’après nos calculs à posteriori. Serait-elle rattachée à un morceau de banquise ? On ne sait pas.) Manevaï est toujours sous voiles mais allure grand-largue (la meilleure pour éviter ces chipies). Eric sera réveillé et ces messieurs manœuvreront et abattront au vent arrière, sur une route nous menant en sécurité. On appelle pas « Icy Cape » comme ça pour rien et heureusement que la glace a eu la courtoisie de se manifester de jour ! Manevaï croise toujours dans la mer formée de « Tchücky Tchücky » à vitesse grand V avec l’intention de passer le Cap Lisburne avant que le vent ne tourne ouest.