Nuku Hiva.
22 juillet. Tapivai.
Encore 3 rotations sur 8 pour remplir les caisses à eau. 60 litres dans 3 jerricans à chaque fois. Eric part avec l’annexe, il a installé sur le robinet au bord de la plage côté abrité, le système de filtres plus un tuyau d’arrosage et n’a plus à porter les jerricans qui restent dans l’annexe. Pendant ce temps-là je fais de la confiture de mangues. Je dois avouer que je n’ai jamais fait de confitures et que j’apprécie ce genre de cadeaux car je suis sensible au temps passé pour cuire les fruits, aux étiquettes ou petits mots collés sur les pots.
Désolée de voir ces fruits s’abîmer et on nous en a offert beaucoup, j’ai demandé à Patrick et Bastien de Mivida venus dîner hier s’ils avaient des pots vides en verre et ce matin après qu’Éric soit allé contrôler la HF chez eux j’ai eu quelques pots. Mais 1 kg de mangues ne donne que deux pots et demi. C’est un essai il nous reste des mangues et du sucre donc je reprendrai la cuisine demain.
Alors Taipivai. Un bras de mer qui s’enfonce dans une vallée et qui laisse à peine découvrir le village. C’est un peu plus sur les hauteurs que le marin et romancier Herman Melville fut retenu pendant quelques mois par les féroces guerriers que l’on disait cannibales. En 1842 il déserte avec un autre marin Toby du baleinier l’Acushnet et erre pendant 5 jours dans la forêt sans point de repère, ils sont tous deux faits prisonniers ‘Hapas ou Taipee ?’ Manque de chance Taipee ! Mais quand même traités en hôtes de marque. Toby réussira à quitter l’île avant Herman Melville qui embarquera sur une autre goélette La Julia.
J’aime ce paysage, 3 ou 4 montagnes en pente douce semblent se donner rendez-vous derrière le village que nous ne faisons que deviner, une cascade que nous n’avons découverte de loin que ce matin car tout dépend de la lumière, des cocotiers en premier plan forment une bordure brillante. Pour nous rendre au bourg il faut attendre les heures de marée haute, un peu avant, un peu après, pour accéder (et ressortir) en annexe dans la rivière en longeant la végétation de très près sur la droite. C’est le courant de ce ruisseau qui permet l’accès ouvert à la mer sinon les rouleaux rendent impossible tout débarquement sur la plage. Nous faisons la connaissance de Simon et Tahia qui tiennent l’épicerie wifi du village. Ce sont aussi eux qui organisent la réception des passagers de l’Aranui. Quelques légumes sont déjà réservés pour le déjeuner du lundi.
Les 200 passagers que peut embarquer ce cargo sont souvent répartis entre deux communes et dégustent porc et chèvre, tarots, mei ou uru, bananes plantains cuits à l’étouffée dans le four enterré. Le four est démarré à 5h du matin, les pierres disposées au fond et à 7h ou 8h la viande y est déposée avec les légumes emballés serrés dans des feuilles de bananiers. Elles sont 3 femmes aux fourneaux dont Tahia la douce épouse de Simon.
Notre jarret de porc cuit au four, merci beaucoup Simon. Eric fait la dernière rotation avec Mivida et lui offre un pot de confiture de mangues.
Et quelques heures plus tard les « forçats » du ravitaillement en eau seront pris de démangeaisons, les nonos ont sévi sur toutes les parties exposées.
Nous allons quitter le mouillage pour Taihoae, la « grande ville ». Si le mouillage bouge trop là-bas je demanderai au skipper de revenir ici. Nous avons besoin de wifi, de bocaux, de légumes et de poisson, il semblerait qu’il y ait vente de poissons matin et soir, mais peut-être n’y en aura-t-il plus après les préparatifs culinaires pour le passage de l’AraNui demain 23 juillet.
Taiohae. Le mouillage n’est pas trop rouleur. Il semblerait qu’après notre départ de Taipivai l’abri soit devenu moins confortable. Nous avons quand même changé de point d’ancrage ce matin car nous étions juste en zone interdite, interdite pourquoi, installation du câble ? Personne ne sait.
Le 24 juillet, nous avons trouvé les bocaux de verre donc je vais continuer ce soir ma confiture. Il y a un joli marché, une maison d’artisanat qui expose de très belles pièces et un office de tourisme près du quai où on débarque facilement en annexe. Vente de poissons matin et soir sur ce quai. Une mairie, un relais presse, un hôpital, 3 épiceries, deux quincailleries, un restaurant pizzeria qui fait un délicieux carpaccio de thon. Deux loueurs de voiture. Une cathédrale qui nous a déçus par son architecture. Il y a quelques voitures quand même mais certains locaux se déplacent toujours à cheval.
Nous avons aussi pu faire le plein de gazole en accostant sur le petit côté du grand quai en béton, pas trop de houle mais il a fallu beaucoup de pare-battages pour préserver la coque de Manevaï.
Demain nous louons une voiture pour nous balader dans l’ile et voir une cascade ou deux.
Daniel’s Bay. Hakatea. Encore une entrée un peu dissimulée et un véritable abri derrière la pointe rocheuse à droite en entrant. Une plage et une maison sur les hauteurs. Quelques pointes noires tournent calmement autour du bateau. Nous cherchons le sentier pour aller au village, nous savons que nous pouvons y trouver des légumes et des fruits, rentrons-nous dans le bush ou pas ? Nous verrons demain. Zut nous ne sommes plus seuls un trimaran puis une goélette viennent mouiller dans la baie. Il y a de la place et ils ont les mêmes instructions nautiques que nous. A marée haute nous partons avec jerricans et filtres chercher de l’eau. Des adolescents se baignent sous la surveillance des parents ils ont piqueniqué ici, leur feu fume encore. Moins aisé de passer la pointe qu’à Taipivai. Nous nous arrêtons à hauteur de la maison, le terrain est entretenu des plantations sont en cours. La maison doit faire office de maison commune, le sol est en terre battue, sous l’auvent de bois un évier, de la vaisselle, une bouteille de gaz, le robinet d’eau lui est dans le jardin. Nous demandons la permission à la petite famille de nous servir en eau. Pas de problème, elle est potable. Ok premier remplissage retour au bateau mais les vagues sont déjà de retour avec la marée montante. Nous nous faisons tremper par l’une d’elles innégociable. Nous décidons qu’un deuxième voyage suffira, 120 litres ce sera tout pour aujourd’hui. Avec la nuit arrive la pluie, chouette Manevaï sera dessalé mais au matin nous ne tenterons pas d’aller au village de crainte des moustiques sur le chemin. Et les moustiques nous en avons notre dose. Nous avons subi une attaque de nonos, lors de la corvée d’eau et sommes couverts de boutons. Ces petites bêtes sont peu visibles et leur dard passe au travers des vêtements. Je compte plus de 50 marques par bras. Résister à la tentation de se gratter.
Donc direction Ua Pou.
Une des îles les plus hautes des Marquises au relief très caractéristique, point culminant des aiguilles 1232m. « Elles surgissaient sur la ligne d’horizon, comme les tours de quelque monstrueuse église surchargée d’ornements ; elles étaient là, debout, dans l’éclat radieux du matin, comme les signaux d’approches d’un monde de merveilles…Le pays se soulevait en pics et en vallées profondes, s’affaissait en falaises qui l’arc-boutaient sur la mer … » (Stevenson). Des pitons rocheux de basalte couronnés de phonolite visibles de loin. Cette île fut le point d’orgue de cette navigation. Tous nos amis nous disaient arrêtez-vous à Ua Pou et effectivement nous avons rencontré des personnes peu ordinaires et découvert des paysages.
Hakahau le port principal. Nous y sommes arrivés un dimanche, bof. Un grand quai en béton sur lequel nous avons frappé une aussière sur l’arrière, déjà 4 voiliers valsaient fortement dans la petite rade abri.
Un petit tour « en ville », c’était calme, très calme. Le lendemain reconnaissance des commerces. Claude le fameux légionnaire (ancien) mécano, boulanger, radiesthésiste, nous accueille et nous propose un café, le libraire est à sa table et n’ouvrira sa boutique qu’après la collation, c’est à dire à 14h30. Un tour au centre d’artisanat où tout est beau puis rencontre avec Jérôme, ancien d’infanterie de marine, dont l’épouse Elisa tient la pension Pueke au-dessus du port.
Nous restons déjeuner en terrasse avec vue sur le mouillage, repas délicieux de poisson, et partons avec notre guide en excursion en voiture. Il est passionné de culture marquisienne et nous raconte tout ce qu’il sait sur son île et sur l’histoire de la Polynésie en général. 3 bonnes heures de balade confortable et animée. Nous allons aussi voir le tailleur de pierres fleuries, cas unique au monde que ces pierres fleuries par leurs couleurs. Pour l’anecdote le tailleur de pierre est le fils du monsieur dont le visage était gravé sur les billets de 500FCP, billets qui n’ont plus cours depuis deux ans.
Le lendemain matin, bien que nous ne soyons pas dimanche, Eric rapporte les croissants commandés la veille à la boulangerie et nous partons chercher notre pain recuit commandé chez Claude mais il a oublié notre commande ! Nous passons une bonne heure avec lui à bavarder mais ne saurons pas ce qu’il a fait lorsqu’il était dans l’armée. Un tour à l’épicerie pour nos provisions de route et nous nous apprêtons à quitter Hakahau.
Une séquence du film « Masters and Commanders » sous nos yeux. Un voilier américain, la goélette de Daniel’s Bay, entre dans le port, son génois complètement déployé, il le ferle et mouille par vent arrière, l’ancre croche et il fait demi-tour en venant s’appuyer durement sur Arthi, un voilier brésilien. L’Américain a sorti à temps ses pare-battages mais le barbecue d’Arthi se retourne et en perd sa grille de cuisson. Problème de moteur ou beauté du geste qui aurait pu mal se terminer ?
Nous allons encore faire des rencontres …à Hakahetau.
Le Maramu belge Zig Zig est déjà là. Arthi nous a devancés et un catamaran avec deux familles à bord, 10 personnes, l’horreur faire de la cuisine pour 10 pendant un mois. On mouille et encore une danse !
Nous savons qui nous allons rencontrer, l’ami Pierrot ancien maître d’hôtel dans la marine nationale. Il est facile d’aller à quai et l’annexe est protégée de la houle et du ressac par un quai en béton. Nous remontons la rue du port au centre du village, bifurquons à droite et dénichons la maison de TiPiero. Le bar réouvre aujourd’hui, le wifi avec. Les Brésiliens en sortent avec leur équipier (Danois Irano Kurde). Pierrot nous accueille avec un magnifique teeshirt bleu marine nationale, il n’y a pas de doute sur notre hôte. Une terrasse-salon est aménagée entre les deux maisons et Pierrot et Eric commencent à refaire la marine. Rose l’épouse marquisienne reste discrète, Alex le fils ainé reprend l’avion pour la métropole le lendemain avec sa femme et 2 petites filles. Si vous désirez vous faire tatouer allez à Lorient dans son cabinet il vous aidera à choisir le motif. Lui il a une partie du visage tatouée, la moitié du torse, un bras et une jambe, il me semble. Pas eu le temps de lui demander la signification de tous ces dessins. Il bavarde un peu avec nous du problème du catamaran 6Gone qui a connu une voie d’eau par un hublot de sécurité et pour lequel une opération de secours de la marine de Tahiti a été déclenchée. (La petite famille est arrivée à bon port de Ua Pou à Papeete, 1500kms, a fait réparer et est repartie naviguer). Bon alors Pierre Ragusa : maître d’hôtel, 27 ans de marine, plusieurs mission Jeanne d’Arc, Prémar et Navco Lorient. « Et puis se retire plein d’usage et raison vivre …avec son épouse… le reste de son âge » aux Marquises. Et tenir le bar restaurant Cheztipiero.
Le lendemain excursion avec les 3 du voilier Arthi chez Manfred le chocolatier de Ua Pou.
On bavarde anglais, français, portugais et après une heure 30 de marche on arrive chez Manfred. Les chiens préviennent le propriétaire de notre arrivée. Et Manfred et Thérèse sa compagne marquisienne nous font les honneurs du jardin cacao, tabac, mangues, papayes, coco et nous installent dans la cuisine, le labo est top secret. Manfred adore plaisanter, nous apporte les photos qui retracent sa vie. Naissance en Allemagne de l’Est, fuite avec sa maman avant que le mur ne soit terminé, le papa arrivera à les rejoindre plus tard. Et puis bien plus grand on voit Manfred pilote d’hélico à Tahiti pour la construction de pylônes. Il nous manque des épisodes et nous sommes là attablés à attendre de déguster son chocolat. Et enfin il revient avec des petits carrés qu’il nous offre, fourrés au poivre ou orange ou coco fruits de la passion. Un délice, jamais goûté à pareil chocolat. Il faut partir non sans avoir acheté des tablettes, toujours au frais d’ailleurs. Arthi s’arrête à la cascade, nous continuons pour rejoindre Manevaï. Nous avons quelques jerricans à remplir.
Plus tard encore un peu de wifi chez Pierrot et nous déclinons l’offre d’un petit restau de nous arrêter pour dîner. Nous avons réservé pour demain midi chez Pierrot.
Le lendemain déjeuner cheztipiero, mi-cuit de thon, poisson grillé, salade de poulpe, un délice du début à la fin mais Piero n’est pas très dispo, un groupe de 8 personnes arrive emmené par Jérôme, après la traversière à pied et le groupe vient se restaurer à Hakatehau. Nous profitons encore du wifi pour prendre et envoyer des nouvelles. Eric cherche désespérément à charger les magazines de voile, peine perdue il aura de la lecture au retour à la maison. Il faut se résoudre à quitter les amis et nous appareillons pour la baie de Vaiheu, nous savons que ce sera un mouillage calme. Nous y arrivons juste après avoir admiré le rayon vert sur l’horizon.
Arthi nous rejoint le lendemain matin et nous passons prendre un café à bord, admirer la machine à coudre de Lucia, et elle m’offre un filet pour déposer les fruits dont nous avons fait provision pour le séjour aux Tuamotu, filet que nous installons sous les panneaux solaires.
Nous tentons un nouveau mouillage, dans les guides il est dit que le village d’Hakahetau vaut le détour mais le débarquement à terre n’est pas aisé. Nous assistons à l’arrivée de personnes venant sans doute à la fête en préparation dans le restaurant en bord de mer. Deux va’a à moteur s’approchent des gros galets, les ballots d’effets personnels sont lancés à une personne sur le quai en béton et les passagers descendent ensuite de l’embarcation dans l’eau jusqu’à la taille pour ensuite récupérer leurs affaires et monter dans le village. Nous ne descendrons pas à terre.
Nana Ua Pou. Et nous tournons le dos aux Marquises, cap sud-ouest vers les Tuamotu.