Lundi 24 octobre. Ambrym, nous voilà ! Nous attendions le beau temps et surtout un vent mieux orienté pour profiter du mouillage de Ranon, qui est très ouvert le long de la côte nord-ouest. En 4 heures, nous y sommes arrivés, il y a eu du vent, puis peu de vent donc moteur, puis grain sur Ambrym et sur nous.

Nous avons longé la côte Est, sommes arrivés vers 14 h au mouillage. Café, sudoku et après la pluie sommes allés à terre. Les enfants sortis de l’école nous attendaient. Et très vite les barrières étaient franchies, en anglais. Ils apprennent un peu de français. Une gamine m’a quand même dit : « quand je t’ai vue arriver, j’ai cru que tu allais nous emmener ».

Les petits rentrent de l’école, oui, mais il faut passer la rivière.

On écrit nos noms sur le sable noir, ils touchent mes cheveux raides, mes ongles de couleurs, ma peau blanche. Nous avons demandé à voir le chef du village, Félix, et avec lui, nous nous sommes promenés entre les cases, les adultes ne sont pas venus vers nous, seuls les enfants qui entre temps avaient retrouvé leur tenue de tous les jours revenaient nous voir. Nous avons découvert la pomme-cajou, la water-apple, les fleurs.

Les grands demandaient des ballons de foot ou des billes, mais maldonne, nous n’avons aucun de ces articles à bord. Demain, nous leur ferons goûter les noix de cajou telles que nous les mangeons et peut-être la confiture de papaye. Demain, nous verrons probablement les sculptures, car c’est un endroit réputé pour les sculptures sur bois, tambours et autres. Le village est pauvre, vit du kava, certains hommes sont partis en Nouvelle-Zélande et Australie pour quelques mois travailler aux récoltes, choux en Australie, pommes en Nouvelle-Zélande.

Le lodge au-dessus de l’épicerie.

Mercredi. Nuit calme, bercés par une petite houle. Nous avons assisté hier soir au retour des taxis-boats, les barcasses sont pleines, d’accord la mer est calme, mais cela nous parait bien dangereux. Les gens rentrent de l’aéroport ou du dispensaire situé à quelques nautiques, côté français, mais aux mouillages plus exposés.

Ce matin mer d’huile, les enfants sont partis à l’école. Ils passent par la plage, jouent un peu et se décident à monter à l’école. Deux grands avaient certainement oublié quelque chose, car ils couraient comme des dératés, tiens pourquoi emploie-t-on cette expression ? Et la cloche, le gong, la bouteille de gaz, a retenti à 7 h 30.

Vers midi, nous étions à terre et les enfants sont arrivés avec leurs cahiers de calcul, « tu peux nous aider, tu peux nous aider ? » Ils écrivent au crayon noir, la mine est mal taillée, ils n’ont pas de gomme. Nous avons essayé de les aider sans leur apporter la solution.

Nous avons étendu un maximum de toiles sur le pont de Manevaï pour nous protéger du soleil. La température dans le carré est de 30°, il y a un peu d’air à l’intérieur. L’eau est à 28,9°.

J’avais promis d’être là à 15 h et bien, ils attendaient sur la plage à l’ombre et avant que nous n’ayons mis pied à terre, ils sont sortis de leur cachette en criant. Nous nous sommes réinstallés à l’ombre et j’ai distribué des papiers, ils ont adoré mon taille-crayon et ma gomme, et je n’ai rien perdu ni dans le sable, ni dans la végétation.

Aujourd’hui, école pour nous deux. Eric aux computers et moi en classe. Nous avons travaillé les divisions, dessiné et parlé. Ils étaient 16 maximum. Ils écrivent pour l’instant mal l’anglais, car le bislama est très voisin et ils font des confusions.

Après 10 h 30, j’ai changé de classe en laissant les élèves dans là leur et j’aurais aimé être avec les plus jeunes, mais la maitresse a décidé qu’elle était fatiguée et nous nous sommes installées toutes les deux sous les fenêtres de la classe pour bavarder. Tout y est passé, la religion, la sécurité des enfants ici, la guerre en Ukraine… Retour pour déjeuner à bord, Eric avec un laptop dans son sac pour travailler dessus l’après-midi, moi pressée de retourner dans une autre classe l’après-midi. Le professeur m’a accueillie, s’est assis au fond de la classe et m’a laissée quartier libre, puis il est sorti, a fait une apparition une heure après et est rentré chez lui.  Nous avons un peu travaillé, bavardé et dessiné, j’ai même dessiné une Rolls-Royce sans modèle qui je crois ressemblait plutôt à une Bentley!

Mon téléphone ne fonctionnant pas ici, merci Vodafone, je communique avec Eric grâce à la VHF. Fin d’après-midi, nous allons chez Ruben le sculpteur et le chaman, choisir un (tiki) tambour d’Ambrym, nous avions le choix entre plusieurs sculptures.  Eric à ce moment a constaté qu’il n’avait plus sa VHF. L’alerte a été donnée dans tout le village, les tambours ont bien fonctionné, et la VHF est réapparue. Quelqu’un l’avait ramassée sur le chemin de l’école. Ouf, le sourire nous était revenu.

L’ancien Nakamal.

J’ai remis à Ruben, le sculpteur, une petite aquarelle de l’église pentecôtiste du village et un pot de confiture.

Les filles étaient arrivées avec des cuillers en métal pour goûter la confiture de papayes, je leur ai bien dit qu’elles devaient partager le pot, qu’elles seraient malades si elles mangeaient tout à 4. Ruben leur a proposé des biscuits pour étaler la confiture, l’emballage du paquet puis la barquette en plastique transparent ont été laissés par terre. Je leur avais pourtant expliqué que c’était dommage de salir leur terre avec ça.

Ce soir grande cuisine à bord, tarot-crème fraîche et cube de viandox, frites de christophines au soja et miel. Côté protéines, pas de problèmes : un asticot (cuit à la vapeur) dans les christophines ! Et autour de nous, dans le cockpit, nous avions des tas de bestioles attirées par nos lumières qui voletaient et tombaient dans nos assiettes, mais qui ne piquaient pas.

Vendredi matin, c’est Noël * ! 2 cargos sont arrivés. Dans le premier qui nous a rasés de près, il y avait une barcasse flambant neuf, (ça y est, elle est déjà dans sa fonction de taxi-boat) et différents objets, fauteuils en PVC blanc, cartons… Dans ce cargo est resté, entre autre, une structure de lit en bois tout monté.

Dans l’autre celui que nous avions déjà vu à Lamen Bay, il y avait énormément de sacs, de ciment a priori, ils les déchargent deux par deux sur les épaules et les clients attendent la livraison sagement “assis à l’ombre des grands arbres, décontractés… “

Eric a reçu du travail par l’école, 2 laptops à réviser, Salva Mi Maquina de notre fils Quentin fait des émules.  Le premier ordi bourré de poussière et de toile d’araignée avec une batterie à plat. Le deuxième n’a pas son disque dur donc ne risque pas de bien fonctionner. Ils ont été nettoyés au maximum de ce qu’il pouvait faire, mais la rouille a déjà commencé son travail.

*Noël. Hier, ils réclamaient mon taille-crayon à 2 trous, mais je ne l’avais pas apporté, je leur ai suggéré de demander cet objet pour Noël, je n’ai reçu aucun écho. Ils connaissent certainement la fête religieuse, car ils appartiennent tous à une église, mais reçoivent-ils des cadeaux ? Nous avons compris que certains repas de midi étaient souvent composés d’une ou deux bananes, il n’y a qu’à se servir dehors. Toute la cuisine est au feu de bois au sol. Pour cuire un tarot, il faut du temps sans cocotte. Pas fréquemment de la viande. Quelques fois dans les bateaux taxis pour aller au dispensaire ou à l’aéroport, ils emmènent de quoi pêcher à la traîne et nous apercevons le poisson au débarquement.

Personne ne nous avait dit qu’il n’y avait pas école le vendredi et nous avons cherché les enfants. Ruben nous a emmenés regarder un match de volley dans un autre village, il a fallu crapahuter en claquettes, pour moi tout à fait contrindiqué. Mais là-haut, c’était super. Les filles, ado et jeunes adultes, se défendaient sacrément bien. La sono supervisée par les garçons était installée sur une estrade.

Derrière nous, il y avait un stand de cuisine, plats vendus pour monter le jardin d’enfants. Une personne, Lee, est venue vers moi, en français et j’ai proposé un atelier de manucure.  Je connaissais quelques petites filles donc c’était facile de commencer par elles. Bien sûr, il a fallu s’arrêter à un moment, j’ai même gaffé en prenant une gamine pour un garçon.

Mais avant de quitter les lieux, Lee est venue me voir en me disant qu’une enfant pleurait, car elle n’avait pas eu de vernis sur les ongles, c’était un gros chagrin, alors notre guide Abel et Eric ont attendu un peu plus et nous avons vu le sourire revenir sur le visage de cette toute petite. Nous sommes redescendus avec Abel puisque Ruben partait à sa soirée Kava. Nous avons traversé un autre village, fleuri, au milieu des maisons, quelquefois des masures. Abel était surtout intéressé par du vin ou des bières. Nous avons rencontré son épouse qui parle français et j’ai recommencé une séance de manucure pour 3 adultes et deux enfants. Elles coupaient des lianes pour en faire des nattes. Autant, vous dire que le vernis sur les ongles n’a pas duré longtemps.

En revenant vers notre annexe, j’ai retrouvé les enfants du village d’en bas, avec leurs cheveux mouillés, j’ai eu du mal à les reconnaître. Nous avons pu nous dire au revoir, j’ai promis d’écrire par le biais de l’école, mais je n’ai pas réalisé qu’ils seraient très vite en vacances d’été.

Notre route continue vers le Nord.

www.manevai.fr

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