Dimanche 10 juillet 2016
Nous nous sommes donc faufilés à travers les méandres bordés de montagnes en recherche du large. On croise quelques bateaux de pêche locaux ainsi qu’une personne en kayak rouge. Il y a quelques amers en pierre à prendre en compte pour bien se repérer sur la carte. On ne peut qu’imaginer le travail d’hydrographie (ou le manque de) pour connaître sa position. Ces eaux sont non seulement riches en poissons mais sont aussi fréquentées (56 000 personnes sont recensées au Groenland dont 3 200 à Qaqortoq). C’est très agréable de croiser en croisant du monde (haha). On nous fait des grands signes de bras en guise de salut. On leur accorde la même courtoisie. Nous savons tous que notre zone n’est pas (encore) réputée pour être touristique : les eaux ne sont praticables qu’une partie de l’année seulement, il manque encore certaines infrastructures d’accueil, la logistique est contraignante… Nous ne pouvons ignorer le potentiel des « Northern Waters ». Le Nord, c’est effectivement addictif : on en oublierait presque notre été, laissé pour compte dans l’Hexagone (et pourtant, nous n’avons pas encore dépassé le fameux parallèle 66°33 : Cercle Arctique). Les T-shirt arborés à Qaqortoq ont vite été rangés dans les placards ; les polaires et le mérinos sont de nouveau de sortie pour cette nav’. Tout le monde est dehors pour faire la veille, la tablette est installée sous la capote pour plus de précision. Je reste à l’intérieur pour vous écrire un petit moment (Rassurez-vous, j’ai bien profité du paysage aussi 🙂 ). Nous atteignons le passage final de sortie avant le large. Pas un iceberg, ni growler en vue. Une côte dramatique et rocheuse, polie par le temps. Des nuages laiteux viennent dévorer le sommet des montagnes environnantes comme les boas s’enveloppent autour de leurs proies. Anne a des photos à l’appui. On croise les doigts pour une bonne connexion à Nuuk.
Manevaï abat en grand et nous tanguonons le Génois avant de savourer notre repas de riz et maquereaux. On trace comme une fusée avec des pointes à plus de 9.5 nœuds. Du jamais vu, après de longues semaines à la gîte et au ralenti. L’après-midi, Eric fait de la couture sur la trinquette, Philippe nettoie les composants de l’enrouleur, je choisis de tester une recette de gâteau de Michèle Meffre, qui ne nous offre que l’embarras du choix. On peut se lâcher un peu maintenant que le beurre et les œufs ont repris place à bord. Je me décide à en faire un aux fruits sec et confits au rhum (ce sont les fruits macérés au rhum qui m’ont convaincue). Anne surveille en fin de cuisson : après 45 min, l’intérieur de la pâtisserie est cru (ce n’est pas ce que dit la déesse de la cuisine à bord). Il aura fallu plus d’une heure pour le cuire. Il sera dégusté en moins de 5 min en dessert après un poulet à la « vraie » pâte de curry tikka masala préparé par Anne et moi. Pas mal du tout pour nous requinquer d’énergie avant nos quarts. On surfe durant une grande partie de la nuit avec un bon 17-19 établi. Nous continuons aujourd’hui notre route, plus nord, en vue de pouvoir larguer notre première bouée météo et arrêter le bateau pour faire notre deuxième station plancton (la première s’est faite en plein milieu de l’Atlantique Nord). Si on est sage et que les manips se déroulent bien, Eric envisage de nous récompenser avec un mouillage pour cette nuit. Je vous quitte, car je dois le soudoyer avec un autre gâteau pour que ce soit le cas.