Mardi 2 août 2016
Quelles dernières journées spectaculaires ! Nous sommes arrivés à Tay Bay le 30 juillet au soir après avoir transité par le Navy Board au moteur pour la majeure partie de la nav’. Les paysages grandioses comme la Sierra Nevada version Grand Froid défilent à nos côtés nous rappelant les vieux westerns avec John Wayne. Ni cactus ni bottes de pailles flottant dans le vent mais plutôt des glaciers venant ponctuer le terrain de temps à autre. Certains d’eux se jettent directement dans l’eau (à moins de 5°C maintenant). Nous avons eu le plaisir de retrouver quelques icebergs et de petits growlers sur notre route, histoire de ne pas être trop dépaysés quand même. Growlers, qui sont un peu plus difficiles à éviter maintenant que notre pilote refuse de tenir le cap : on les aperçoit toujours au dernier moment et dès qu’il y a un peu de clapot, on peut facilement les confondre avec le haut des vagues qui déferlent…
Eric arrivera, pour la première fois depuis notre entrée au Nunavut, à prendre une vacation météo avec succès sur une fréquence qui capte bien. Notre interlocuteur, Peter, vient aux nouvelles sur l’équipage et des autres bateaux connus transitant le NWP. Il nous transmet la météo et les conditions des glaces. Cette victoire sera célébrée avec un bon plat de lasagnes aux champignons. Notre escale à Tay Bay sera productive. On repère une belle source d’eau provenant d‘un glacier. Ca tombe bien, nous n’avons pas eu l’occasion de nous avitailler en eau depuis Asiaat (ça veut dire, entre autres, que je pourrai aussi me laver les cheveux !). On mouille au plus proche du rivage où s’écoule cette petite rivière. On sort les trois jerricans de 20 L. On installe le moteur de l’annexe. On sort le fusil et les lance-fusées qui seront désormais nos nouveaux compagnons pour nos balades à terre (ours obligent) et on part. Laissez-moi un peu vous raconter comment se déroule le remplissage de deux caisses à eaux de 400 L chacune avec 3 jerricans de 20 L. On remplit chaque jerrican en faisant attention de ne pas troubler le flux d’eau des collègues en aval. On porte les bestioles jusqu’à l’annexe (à la fin, j’en portais un dans chaque main, je vais craquer mes T-shirt d’ici le mois d’octobre). On les charge dans l’annexe. On part au bateau. On hisse les jerricans sur le bord avec l’aide d’un bout. On les dévisse, on remplit et on recommence. Au bout du 4ème aller-retour, nous étions tellement efficaces que chaque rotation durait un quart d’heure. Nous avons fait l’exploit d’en faire 9 au total.
Le déjeuner se prit tard en cette journée du 31 juillet. Au moment du café, l’AIS sonne l’alarme. Un bateau est en CPA nul (CPA, c’est le « closest point of approach », le moment où deux bateaux se rencontrent et se tapent dessus). Maewann 4 il s’appelle. Ils sont 5 à bord : le skipper, Erwan, sa co-skippeuse, Jeanne et 3 autres équipiers dont deux montagnards qui sont aussi musiciens. Le monocoque de 12m vient se mettre à couple de nous et l’équipage grimpe à bord de Manevaï pour le « tea time ». Les deux musiciens nous jouent « What shall we do with a drunken sailor ». Anne et moi les accompagnons en chantant. Après avoir hiverné à Sisimiut, Maewann 4 vogue ces eaux glaciales avec des montagnards adeptes d’escalade et les emmènent dans des spots sympas pour grimper. Ils ont vu plus de faune locale que nous : maman ours et ses petits, des phoques (et de près, mais nous aussi on en verra mais plus tard). C’était magique d’écouter leurs histoires, un super concept « bateau/montagne ». Ils s’en vont vers Port Leopold.
On continue notre remplissage (oui, car nous avons fait un break pour déjeuner). On lèvera l’ancre vers 19h pour continuer notre périple, direction Cuming Inlet sur l’île Devon ; à une centaine de nautiques de Tay Bay.
La traversée du Lancaster Sound a été sportive avec 30 nœuds de vent vrai, au travers d’abord puis largue. Nous avons fait les quarts à deux, car, sans pilote, il nous était impossible de faire route au 300°. La pluie était de sortie et la température de l’eau a chuté en dessous des 2°C. On se rapproche donc de la norme des conditions locales. Les quarts ont été d’autant plus douloureux que d’habitude car notre bouteille de gaz nous a lâchés après le repas… pas de café ni de tisane pour attendrir les conditions difficiles. Nous ne pouvions pas non plus changer la bouteille avec une mer démontée … Je crois que ces quarts du 31 juillet ont été les pires pour moi depuis le début de ce voyage… pour mon estomac aussi : faim, froid, fatigue … c’était obligé. Bref. Nous avons mouillé tout au fond du fjord vers 12h40 le 1er août dans un premier temps. Un néerlandais de 36m avait déjà piqué notre spot mieux abrité et s’en est allé pile poil au moment où l’on a mouillé. Pas grave, on prendra la place après un déjeuner bien mérité.
Le chenal de Cuming Inlet est long de 8 nautiques. C’est pas l’espace et la place qui manquent mais tant qu’on n’est pas dans les Bouches de Bonifacio à cette période, on en profite. Nous sommes toujours entourés de montagnes érodées en mode western. L’endroit est réputé riche en bœufs musqués. On est parti, Anne, Eric et moi-même aujourd’hui (2 août, donc) à terre pour tenter d’en voir de près et nous n’avons pas été chanceux. Même en pêche hier, avec Anne en annexe nous n’avons rien attrapé … Ce sont les phoques qui se sont défoulés sur toute la poiscaille de la zone. Ils ont sorti leurs têtes de l’eau plusieurs fois à quelques mètres du bateau nous dire bonjour ou plutôt se moquer de nous pour nous dire qu’ils avaient déjà balayé la zone et tout mangé. Donc ni protéines marines ni protéines bovines pour Manevaï. On s’apprête à sortir de Cuming Inlet choper un peu de réseau Mini-M pour vous envoyer ça ET pour prendre des infos météo et glaces avec notre copain Peter. D’après nos infos, les conditions sont loin d’être idéales pour arriver à Beechey : ouest 25 nœuds. On vous en dira plus dès qu’on pourra.