Pour la période d’entretien 2024, je ne voulais pas rester à Phuket. Trop de touristes, ambiance impersonnelle et prix très élevé. Le seul intérêt est qu’il y sera plus facile d’y trouver des pièces de rechanges. J’ai finalement retenu le chantier de Phithak à côté de Satun près de la frontière avec la Malaisie, car je savais qu’il travaillait bien l’aluminium et j’avais quelques travaux de soudure à faire.

 

Première difficulté, arriver au chantier. Il se trouve dans une rivière, trois nautiques à l’intérieur des terres, en pleine mangrove. Que Navionics soit faux, c’est habituel, que CMap soit faux, c’est habituel, mais même les cartes satellites sont inexactes. La zone plus sombre le long de la côte laisse penser qu’il y a davantage d’eau, d'autant plus qu'il y a des piquets tout le long. Eh bien non, il n'y a pas d'eau. J'ai appris plus tard qu'un autre voilier s'y était échoué à plusieurs reprises à marée haute. Il faut faire à l'aveugle, tâter le terrain à droite, à gauche pour trouver le meilleur passage. Couleur de l'eau (plutôt boueuse dans un estuaire, 50 nuances de marron…..), risées, tout est bon.

 

Approches du chantier

Le chantier est capable de sortir des bateaux de 200 T. Cela se fait à l'ancienne, sur rails avec aiguillages à angles droits pour "ranger" le bateau une fois sorti. Lors des grandes marées hautes, le chantier est partiellement envahi...

 

Il y a un atelier de chaudronnerie, un de mécanique, tous deux très correctement équipé mais avec du matériel ancien. Pour la peinture, la menuiserie, ce sont des intervenants extérieurs payés à la journée qui viennent au chantier.

 

 

 

Il y a un petit magasin tenu par deux jeunes femmes (ouvert 7 jours sur 7 !) Ce n'est pas AD ou Uship, mais côté peinture, pinceaux, rubans de masquage, visserie, il est bien doté. Et quand il n'y a pas, elles commandent, c'est livré le lendemain avec le sourire. Et à des tarifs imbattables !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Soy, Cathy et Om

 

Un, le Yard Manager

 

 

 

Une autre personne qui a toujours le sourire est Un, le Yard Manager. Le chantier est son univers. Son père était ouvrier du chantier. Gamin, il y jouait (pas de crèche, pas de garderie). Sa mère tient toujours le petit magasin d’alimentation du chantier. Il a étudié, il a travaillé, il est maintenant le Yard Manager.

 

 

 

 

Le fonctionnement du chantier est très particulier. Il ne fonctionne pas comme un chantier "de chez nous" !  Problème supplémentaire, seul Un, le Yard Manager parle anglais (assez correctement), les ouvriers pas du tout (et Google traduction est à la peine en thaï).

Il faut savoir formuler les demandes. Une fois que l'on a compris, les choses avancent. Tout le monde est adorable (il y a une bonne trentaine de personnes qui travaillent au chantier), travailleurs, ils font leurs huit heures par jour, six jours sur sept (n'est-ce pas messieurs les contrôleurs SNCF....) sans pause cigarettes et sont très sérieux. L'outillage n'est pas très performant. Il a fallu presque trois jours pleins au menuisier pour refaire un caillebotis en teck du cockpit. Heureusement, le salaire d'un ouvrier est de 1300/1500 THB/jour soit 32/35 €.

Donc il faut être patient, être à leur rythme et surtout ne pas les brusquer.

 

 

J’ai pu conduire beaucoup de travaux de fond. La dernière opération de même ampleur était en 2013 avant le départ pour le NW. Depuis le bateau a fait quelques milles. J'ai en particulier démâté (Le précédent démâtage datait de 2013) . J'avais eu une alerte l'année dernière en Australie. Lors d'une inspection de routine, je m’étais suis aperçu qu'une ferrure tenant les bas haubans était fissurée au 2/3. Je l'ai bien sûr faite ressouder séance tenante mais une vérification sérieuse s'imposait. J'en ai fait faire deux par le chantier. Il me fallait aussi visiter complétement les enrouleurs de génois et de trinquette, changer le tricolore tête de mât.... Tout cela se fait mieux et plus à fond à l'horizontale que perché. Démâtage comme rematâge ont été menés avec une petite grue, dans des conditions de sécurité limite. Mais c'est comme cela que cela fonctionne ici. C’est un peu stressant mais finalement, tout s’est très bien passé !

 

 

 

La clientèle principale du chantier, ce sont les bateaux de pêche locaux. Ça va de 10m à 40 m.

J’ai été bluffé par l'habileté des pêcheurs (et de leurs familles). Quand leur bateau sort, ils font la très grosse majorité des travaux par eux-mêmes et ce ne sont pas des petits travaux. Exemple, le bateau vert. Son étrave devait être bien pourrie, comme pas mal de bordés. Changer un bordé, c'est physique, il faut l'ajuster correctement, mais ce n'est que remplacer une planche par une autre planche. Confectionner une pièce d'étrave, c'est une autre paire de manche.

Sur la photo, vous la voyez après une journée de travail : elle est arrivée le matin sur le "dos" d'un pick-up et déchargée à la cow-boy : en l'absence de grue, elle est amarrée d'un côté, la voiture avance et il y a bien un moment où elle tombe par terre ! Section carrée 50 X 50, longueur 6/7m. C'était un bel arbre. Et voilà ce qu'il en reste à la fin de la journée, tout le travail fait … à la tronçonneuse ! La quantité de copeaux parle d'elle-même. La pièce d'étrave a été mise à poste quelques jours après (finition peinture) avec guirlandes au sommet et moult pétards. Comme le veut la tradition thaï (largement inspirée des chinois !). Malheureusement mon mât était sous la grue à ce moment et je n'ai pas pu prendre de photos. Je ne suis pas sûr que beaucoup de nos pêcheurs de chez nous soient capables d'en faire autant ! Une autre conclusion est que le bateau était quand même bien pourri !

Beaucoup de bateaux sont assez "fatigués". Ce bateau bleu a l'air tout pimpant avec sa peinture toute fraîche. Mais si on zoome sur la photo, on voit pleins de points rouges sur la coque. Chaque point rouge était un trou de ver, agrandi à la perceuse et ensuite bourré d'époxy….  Le bureau Veritas certifierait-il ce bateau ? Les normes de navigabilité ici ne sont manifestement pas les mêmes que chez nous. Mon regret est de n'avoir malheureusement pas pu échanger avec eux à cause de la barrière de la langue et c'est bien dommage.

 

Ces deux mois passés au chantier ont constitué une expérience intéressante car en immersion totale en ambiance thaï. Certes un peu austère, le premier resto est à 15 km, pour les salons de massage, je ne sais pas ! On est très loin de la plaisance bling bling de la côte d'azur ou de Phuket ! Mais c'est bien plus sympa.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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